lundi 12 mai 2014

Publication de 66 petites histoires du Pays Catalan

Les personnes ayant lu et apprécié mes modestes histoires publiées l'été dernier dans le quotidien L'Indépendant pourront les retrouver, ainsi que d'autres inédites, dans un livre à paraître ce jour aux éditions Ultima necat / Mare nostrum.

J'en ferai la première présentation publique ce jeudi 15 mai à 18h30, à Canet-en-Roussillon à la salle des Voiles Rouges, à l'invitation de l'association Lectures et Rencontres. D'autres séances de dédicace suivront.

Pour les personnes ne me connaissant pas, je reproduis ci-dessous le texte de présentation que l'on peut retrouver ailleurs.

Fabricio Cárdenas, 66 petites histoires du Pays Catalan, éditions Ultima necat & Mare nostrum, 2014, ISBN 978-2-36771-0006-8, 11 €

Fabricio Cárdenas est bibliothécaire et responsable de la médiathèque de Canet depuis 2006. Il s'intéresse à l'histoire des Pyrénées-Orientales depuis de nombreuses années et est à ce titre devenu l'un des principaux contributeurs sur Wikipédia concernant les articles en rapport avec le département, sous tous ses aspects. N'étant pas historien, il est néanmoins convaincu de la nécessité de transmettre l'histoire de ce pays à ses habitants. C'est à ce titre que Fabricio Cárdenas tient une chronique quotidienne dans L'Indépendant, durant tout l'été 2013, destinée à mieux faire connaître la richesse du patrimoine et de l'histoire des Pyrénées-Orientales.
Devant le succès rencontré et les nombreux retours positifs, il est décidé de faire de ces textes le point de départ d'un livre et "66 petites histoires du pays Catalan", qui sort ce mois-ci aux éditions Mare nostrum et Ultima necat, en est le résultat. Ce livre ne prétend pas réécrire l'histoire du département, mais plutôt présenter un ensemble de petites histoires, des fait réels souvent peu connus, qui ont contribué à faire la grande Histoire de ce beau pays Catalan qui est le nôtre.

mercredi 25 décembre 2013

Bouillon royal

Philippe III
En 1284, le roi de France Philippe III dit le Hardi est en conflit avec Pierre III, roi d’Aragon fraîchement excommunié par le pape suite à ses conquêtes en Sicile au détriment de Charles d’Anjou, oncle de Philippe III. Jacques II de Majorque, frère de Pierre III et comte du Roussillon, n’a d’autre choix que de s’allier avec le roi de France lorsque celui-ci se lance avec la bénédiction du Pape dans la croisade d’Aragon. L’expédition est un désastre pour l’armée française et Philippe III est obligé de négocier son retour à travers les Pyrénées. Victime de l’épidémie qui a touché son armée en Catalogne, il meurt à Perpignan le 5 octobre 1285. 
Il faut alors rapatrier le corps du roi dans ses terres, mais il n’est pas concevable de le ramener en l’état jusque dans son fief parisien. Le corps de Philippe III, à l’instar de celui de son père Louis IX mort en Tunisie, va donc subir le rituel du mos Teutonicus, technique funéraire permettant de transporter les différentes parties d’un corps en évitant la putréfaction. On commence par extraire le coeur et les entrailles du corps du roi et on les sale comme on le ferait pour conserver n’importe quelle pièce de viande. On fait ensuite bouillir la dépouille, dans de l’eau ou, parfois, dans du vin aromatisé, afin de séparer les chairs des os. On peut alors généralement enterrer le corps du souverain dans trois endroits différents, avec une cérémonie distincte pour les os, le coeur et les entrailles. 
Dans le cas de Philippe le Hardi, son corps se trouve divisé en quatre. Les chairs sont enterrées à la cathédrale de Narbonne, les entrailles sont envoyées à l’abbaye cistercienne de la Noë en Normandie, le coeur est offert  au couvent des Jacobins à Paris et enfin, partie la plus noble, les ossements rejoignent la nécropole royale de la basilique de Saint-Denis. De la dépouille royale il n’est rien resté à Perpignan, mais l’histoire ne nous dit pas ce qu’il est advenu du bouillon…


Sources :
Dominique-Marie-Joseph Henry, Le Guide en Roussillon : ou Itinéraire du voyageur dans le département des Pyrénées-Orientales, Perpignan, J.-B. Alzine, 1842
Jean Villanove, Histoire populaire des Catalans : des origines au XVe siècle, t. 1, J. Villanove, 1978

Crédit photo : Par Acoma (Travail personnel) [Public domain], via Wikimedia Commons.

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dimanche 1 septembre 2013

Une presse indépendante

Au début du XIXème siècle, les Pyrénées-Orientales font partie des onze départements de France qui ne possèdent aucun journal d'information locale. Pour remédier à cet état de fait, la préfecture de Perpignan créé à la Restauration, en 1815, le "Mémorial administratif du département des Pyrénées-Orientales". La parution change plusieurs fois de titre et devient en 1831 "Le Journal des Pyrénées-Orientales". Ce journal, qui n'est vendu que par abonnement, présente l'inconvénient de n'exprimer sur les événements que le point de vue officiel de la préfecture. Nous sommes à l'époque et depuis 1830 en monarchie, sous le règne de Louis-Philippe. Les opposants au régime sont nombreux, entre les carlistes, farouches opposants des orléanistes, et les républicains, opposants à la monarchie de facto. Le prestigieux savant et républicain François Arago a déjà effectué de nombreux mandats en tant que député des Pyrénées-Orientales. Toutefois, le travail de propagande de la préfecture, notamment par le biais de son journal, commence à porter ses fruits et Arago n'est plus si sûr d'être élu aux prochaines élections de 1846.  Les partisans d'Arago, carlistes et républicains, décident alors de mener une contre-propagande pour donner une chance à leur candidat. Il leur faut notamment un journal indépendant du pouvoir en place. Un rédacteur en chef réputé est recruté à Paris et, le premier janvier 1846, paraît le 1er numéro de L'Indépendant des Pyrénées-Orientales. La mission est remplie, puisqu'Arago est réélu cette même année parmi cinq candidats avec  un score ahurissant de 98,9% des voix en sa faveur. Toutefois, élu en même temps dans la Seine et de manière aussi enthousiaste, il choisira finalement de représenter ce département à l'Assemblée.

Petites histoires des Pyrénées-Orientales
Le n°1 du 1er janvier 1846

Sources :
Jean Sagnes (dir.), Le pays catalan, t. 2, Pau, Société nouvelle d'éditions régionales, 1985
Gérard Bonet, L'Indépendant des Pyrénées-Orientales. Un siècle d'histoire d'un quotidien, 1846-1950, éd. Publications de l'Olivier, Perpignan, 2005
Image : Fabricio Cardenas


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samedi 31 août 2013

Sans foi ni loi

La famille Borgia, connue pour ses frasques dans l'Italie du XVème siècle, était en fait originaire de la petite ville de Borja, en Aragon, puis s'était installée dans le royaume de Valence après la reconquista. La branche italienne vient d'Alfons de Borja, évêque de Valence puis cardinal, qui deviendra pape sous le nom de Calixte III. Connu pour son népotisme, il place tous les membres de sa famille aux postes clés de l'église à Rome. Son neveu Rodrigo est élu pape en 1492 sous le nom d'Alexandre VI et continue à placer ses proches, à commencer par ses enfants. César Borgia est l'un deux. Né à Rome en 1475, sa vie remplie de débauche, de meurtres et de trahisons en tout genre ne pouvait que finir de manière tragique. C'est donc sans surprise qu'il meurt dans une embuscade à 31 ans. Sa devise, toute simple, était à la mesure du personnage: Ou César, ou rien. Entré dans l'église dès l'âge de 7 ans, la carrière de César se déroule en partie dans notre région. Il est nommé évêque de Pampelune à 15 ans,  puis son père fraichement élu pape le promeut archevêque de Valence puis cardinal alors qu'il n'a que 17 ans. En 1493, il obtient en plus les évêchés de Castres et d'Elne, dont il prend possession par procuration. Comme si cela ne suffisait pas, une bulle du pape de 1494 le nomme abbé de l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa avec, selon les propres mots de son père, "la confiance que, grâce à son zèle, le monastère sera utilement et heureusement dirigé". En réalité, César n'en a cure et s'intéresse surtout à ce que peuvent lui rapporter ces charges, à tel point que le clergé du diocèse d'Elne se soulève en 1497 et proteste auprès du roi, qui ordonne dès l'année suivante que la somme demandée soit réduite de moitié. En 1498, César profite de la mort de son frère pour reprendre les affaires temporelles en main et abandonne toute charge ecclésiastique. Il n'a que 23 ans.

Portrait supposé de César Borgia


Source : Jean Capeille, « César Borgia », dans Dictionnaire de biographies roussillonnaises, Perpignan, 1914
Image : Altobello Melone [Public domain], via Wikimedia Commons
 
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vendredi 30 août 2013

Pélerinage irlandais

Quiconque visite Périllos, au-dessus d'Opoul, ne verra plus de nos jours qu'un village désert, dont le dernier habitant a quitté les lieux dans les années 70. Il est difficile d'imaginer que le recensement de 1856 y comptait 98 personnes, mais les guerres, le phylloxéra, la mortalité infantile et l'exode rural généralisé ont eu raison des derniers habitants, officiellement encore au nombre de 4 en 1968. Et pourtant, en d'autres temps, les seigneurs de Périllos furent des personnages influents, notamment à partir du XIVème siècle. Raymond de Périllos voit sa seigneurie érigée en vicomté en 1391 par Jean 1er d'Aragon, en remerciement de services rendus. Né d'un père aux talents de diplomate, Raymond suit la même voie. Il voyage en Angleterre ou en Castille pour le roi de France, puis se met au service du roi d'Aragon, dont il deviendra un fidèle compagnon. Malheureusement pour lui, Jean 1er d'Aragon se tue à la chasse en chutant de cheval en 1396. Sa veuve intente alors un procès à tout  son entourage, reprochant aux courtisans leurs mauvais conseils ayant entrainé entre autre la mort accidentelle du roi, donc sans confession pour assurer le salut de l'âme de son royal mari. Pour se faire pardonner, Raymond de Périllos n'a donc pas le choix. Il part le 8 septembre 1397 pour l'Irlande en pèlerinage au purgatoire de Saint-Patrick, lieu réputé efficace pour s'informer du sort des âmes en peine. Arrivé dans la grotte du sanctuaire, Raymond a la révélation que l'âme de Jean 1er a bien été sauvée. Il peut désormais rentrer la conscience tranquille et est absous lors de la suite du procès. Il reprendra sa carrière de diplomate et se mettra au service de l'antipape aragonais Benoît XIII à Avignon.

Le clocher situé au-dessus de la grotte du purgatoire de Saint-Patrick

Sources :
Jean Capeille, « Raymond de Perellos », dans Dictionnaire de biographies roussillonnaises, Perpignan, 1914
Joan Peytavi Deixona, Avantpassats : Histoire et généalogie des grands hommes de Catalogne du Nord, Trabucaire, 2012
Photo : Par Egardiner0, via Wikimedia Commons

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jeudi 29 août 2013

Droit de vote

Le département des Pyrénées-Orientales est créé en 1790, non sans remous, puisqu'il s'agit de créer une entité suffisamment peuplée. La province historique du Roussillon ne suffisant pas, on lui adjoint la partie languedocienne du bassin de l'Agly, décision logique d'un point de vue géographique et portant la population du département à un peu plus de 100 000 habitants. Ceci fait, il s'agit de faire élire de nouveaux responsables et l'Assemblée Constituante fixe les modalités du droit de vote : seuls les hommes s'étant acquitté d'un impôt équivalent à trois journées de travail peuvent prétendre au titre de citoyen actif et donc voter. La pauvreté des régions rurales du département a pour conséquence d'écarter automatiquement un tiers des hommes majeurs de ce système. On ne compte au final que 16978 citoyens actifs qui peuvent alors élire les conseils municipaux. Ils doivent par contre déléguer leurs pouvoirs pour les autres scrutins aux grands électeurs. Ceux-ci sont choisis parmi les citoyens payant un impôt équivalent à dix journées de travail et constituent un groupe de 170 personnes. Enfin, il faut pour prétendre à se faire élire député faire partie de la tranche des contribuables payant un impôt  égal à un marc d'argent. On l'aura compris, le nouveau système verrouillait totalement l'accès aux urnes pour les classes les plus pauvres et permettait d'assurer le pouvoir aux notables du département mais, malgré ses errements, la démocratie était en marche.

Joseph Cassanyes, élu député en 1792


Source : Jean Sagnes (dir.), Le pays catalan, t. 2, Pau, Société nouvelle d'éditions régionales, 1985
Image :  Par Jacques59370 (Travail personnel) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

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mercredi 28 août 2013

Résistance républicaine

Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte déclenche le coup d'État qui lui permet de rester au pouvoir, alors même que la constitution de la Deuxième République lui interdit de se représenter aux élections à venir. Toutes les régions de France ne réagissent pas de la même manière et les partisans de la République se trouvent alors en majorité dans le sud de la France. Le département des Pyrénées-Orientales est décrit à l'époque comme étant rempli de fervents républicains défenseurs de la démocratie, tous armés et membres de sociétés secrètes, les autorités sont donc sur leurs gardes. La nouvelle du coup d'État n'arrive à Perpignan que le 3 décembre dans l'après-midi. Aussitôt un rassemblement se forme devant la préfecture. Malgré une vive résistance, on fait quelques arrestations et celui-ci est dispersé. Augustin Lloubes, maire de Perpignan, fait afficher partout dès le 5 un arrêté municipal interdisant à quiconque de sortir la nuit la tête couverte. Malgré de nombreuses démissions d'élus ou de fonctionnaires, le calme semble s'être installé à Perpignan, où la plupart des notables ont rapidement accepté le changement de régime. A peu près 10000 personnes se soulèvent à travers le département dans la nuit du 7 au 8 décembre, mais l'éparpillement rend toute action inefficace. La plus grosse résistance vient d'Estagel, patrie d'Arago, où sont fait de nombreux prisonniers, ainsi que de Thuir, Villelongue, Collioure et Prades. Sur 500 personnes arrêtés, 336 sont déportés en Algérie, une dizaine partent pour Cayenne et 91 sont expulsées. Ironiquement, les élus locaux honorèrent par la suite le préfet en lui offrant une épée d'or en remerciement de son efficacité lors de cet épisode agité.

Portrait officiel de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848


Sources :
Jean Sagnes (dir.), Le pays catalan, t. 2, Pau, Société nouvelle d'éditions régionales, 1985
Décembre-Alonnier, Histoire des Conseils de guerre de 1852, 1869 (à lire ici)
Image : Official portrait as president of the Second Republic of France [Public domain], via Wikimedia Commons

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